dimanche 6 décembre 2015

J'ai joué à Wastburg

Et j’ai passé un très bon moment tout comme les autres joueurs à ma table. L’ambiance de la grande ville surpeuplée et de sa garde largement corrompue a beaucoup plu. C’est d’ailleurs ce côté là du jeu, la corruption, qui a retenu le plus l’attention des joueurs. Leurs personnages avaient beaucoup de mal à faire confiance aux autres gardes. Bon, on a joué le scénar du livre de base, qui encourage pas mal le meneur à développer ce thème là. Les « cousins » de Dunker n’ont rien fait pour embellir l’image de la garde Wastbourgeoise.

Personne autour de la table n’étant familier avec Wastburg, nous avons fait comme le suggère le scénario fourni dans la base du jeu. Nous avons créé des personnages immigrés venus de Bern, une lointaine colonie du Waelmstat. Je dois dire que c’est une très bonne idée qui nous a permis de lier les personnages entre eux et de leur faire découvrir petit à petit les joies de Wastburg. Les jets de dés pour savoir si oui ou non un personnage à telle ou telle pièce d’équipement ont également étés savoureux. C’est là un outil formidable pour étoffer les personnages, creuser leur passé et les circonstances de leur arrivée à Wastburg. Par exemple, un joueur a demandé s’il avait ces fameux cent gelders, la somme maximum autorisée par les règles. Il a obtenu un « oui, mais ». Ainsi il avait bien cet argent en arrivant à Wartburg, mais il a voulu s’acheter une petite chambre, une petite garçonnière pour recevoir les demoiselles peu farouches. Voilà qu’une lorritaine lui a vendu un appartement en plein centre avec vue imprenable sur la tour des majeers. Il s’est retrouvé avec un amas de cailloux soigneusement entreposé dans une brouette, elle-même poussée par un garde gringalet sous les ordres de Julder, le prévôt chargé de déblayer les dégâts fait par l’explosion de la tour. Ça nous a bien fait marrer.

Et comme certains de mes joueurs sont, justement, très joueurs, il y en avait qui voulaient aller jusqu’au bout des lancers de dés, même avec une double pénalité. Par contre, ils ne savaient plus trop quoi demander. Alors pour boucler les cinq jets, nous avons choisi de demander des réputations et des relations. Autant dire que l’ancrage des personnages dans Wartburg ne manquait pas de piment.

Au niveau du moteur de jeu, le Free Universal Roleplaying System peut surprendre de part sa simplicité. Il est expliqué en moins de deux minutes. Mais ce qui est réellement surprenant, c’est tout ce qui est apporté à la fiction par cette simplicité mécanique. Le moteur nous oblige à développer ce qui se passe dans l’histoire et a détailler les conséquences des actions des personnages. Il est fréquemment source de rebondissements. Par contre, je suis d’avis que pour une efficacité optimum, tous les joueurs autour de la table doivent être prêts à partager la responsabilité d’interprétation des jets de dés. Sans quoi le meneur (et là je parle de moi) va rapidement être à court d’inspiration, perdre la moitié de ses neurones et tomber dans la répétition, voire même le grand n’importe quoi.

Il y a un point de règle que j’ai choisi de modifier : la façon d’obtenir des aubaines, en introduisant les Croyances, Instincts et Objectifs du jeu de rôle Les Légendes de la Garde. Les joueurs gagnent une aubaine en fin de partie s’ils ont joué leur croyance ; une autre s’ils ont atteint leur objectif (mieux vaut avoir de petits objectifs réalisables en une session) ; et une aubaine à chaque fois qu’ils rendent la vie de leur personnage plus difficile en jouant leur instinct. Le bémol est qu’ils n’ont pas obtenu beaucoup d’aubaine, probablement moins que si on avait joué selon la règle du bouquin. D’un autre côté, ils ne les utilisaient pas tant que ça leurs aubaines. Maintenant reste à savoir s’ils ne les utilisaient pas parce qu’ils n’avaient pas pris le réflexe de le faire ou parce que, justement, ils n’en avaient pas beaucoup.

Mais bon, c’est un moindre mal parce que je pense qu’on pourrait presque se passer des aubaines. Le système est fait pour rendre les échecs aussi intéressants que les réussites. Quoi qu’il arrive, il crée de l’histoire. Et plus les joueurs pousseront leurs personnages vers des actions dangereuses, plus ils risqueront gros. En fait, le jeu peut très vite devenir mortel. Un joueur a perdu son personnage dès la première session. J’en profite d’ailleurs pour dire que le FU Roleplay System gère de façon très satisfaisante le joueur-contre-joueur : c’est ce qui a tué le personnage en question.

Parlons maintenant du scénario. J’ai beaucoup aimé sa présentation : une situation de départ intéressante décrite avec tous ses tenants et aboutissants en deux ou trois pages, et une pléthore de PNJ décrit succinctement mais avec tout ce qu’il faut pour les rendre intéressant. Ce sont eux qui occupent le plus de place dans le livret. Le scénario offre également quelques pistes, à la fin, sans pour autant être dirigiste (il ne l’est pas pour un sous). Bon, les joueurs avaient de gros doutes, dès le départ, sur qui était le meurtrier, mais ils ont eu plaisir à essayer de prouver qu’ils avaient tort (ou raison, selon le personnage).

Ma principale difficulté a été d’intégrer, dans ma petite tête comme dans la fiction, cette pléthore de PNJ, justement. Sans compter que nous en avions créé plusieurs autres avec les jets d’équipement lors de la création de personnage. Et ces PNJ, qui n’avaient strictement rien à voir avec l’enquête menée par les personnages, étaient généralement fortement liés à leurs croyances et objectifs. Je ne vous raconte pas la gueule du schéma actantiel que je me suis fait pour essayer de suivre tout ce petit monde ! Une vraie galère. D'un autre côté, Wastburg avait une vie propre à elle, en dehors de la « mission », et les personnages avaient une vie en dehors de la garde.

En fin de compte, la masse conséquente de PNJ m'a fortement intimidé. J'ai pris peur et la crainte de me laisser facilement déborder m'a dissuadé de jouer sur le long terme. Pourtant, mes joueurs auraient voulu qu’on se lance dans d'autres enquêtes et qu'on continue à explorer Wastburg. Le joueur qui préfère de loin les systèmes de jeu avec tout plein de crunch tout partout m'a même semblé être le plus déçu d'arrêter. Mais voilà, je me suis dégonflé. Et en plus j’avais trop envie de rejouer à Apocalypse World (girouette que je suis).

En tout et pour tout, le scénario aura tenu cinq excellentes séances de 3 heure, plus une dernière qui n’a durée qu’une heure parce que les personnages ont démasqué le coupable dès qu’on a commencé ! J'en garde un très bon souvenir et j'espère mes joueurs aussi. Qui sait ? Un jour reviendrons-nous peut être nous perdre dans les méandres de cette ville tentaculaire ? D'autant plus que j'ai deux extensions qui prennent la poussière sur les étagères. Et j'aurais aimé développer la taverne le Rat Mi-Cuit, meilleur nom improvisé dans ma vie de meujeu.


samedi 2 mai 2015

Le d20 ! Beurk !... quoi que…

Après une période de plusieurs années sans jeu de rôle, j’avais comme un vide dans mon dedans. Alors je me suis offert la dernière version de l’ancêtre. À ce moment-là, c’était la 3.5 de Donjons et Dragons. J’ai essayé d’y faire jouer et je me suis noyé dans les règles et la somme astronomique de dons. Ce ne fût pas une super expérience. Alors j’ai essayé le dK 1 et 2 sans grande conviction et effectivement, il n’y a pas eu d’étincelle. Puis j’ai découvert les jeux indépendants américains. J’ai pris des claques monstrueuses avec Burning Wheel et Apocalypse World ; et j’ai fini par développer une forte aversion au dé à vingt faces et à tout ce qui tourne autour de D&D et ses rétroclones de l’Old School Renaissance. Rien à faire, impossible de lire quoi que ce soit issu de l’Open Game Licence du d20.
 
Il y a bien des jeux qui ont titillé ma curiosité, sans pour autant me donner envie de jouer. Oltréé ! par exemple. Malgré les outils excellents qu’il propose pour faire du sandbox, le jeu m’est tombé des mains à plusieurs reprises. Sa mécanique ne m’a pas inspiré et ne m’a pas donné envie de m’y plonger pour en comprendre les subtilités.
J’ai aussi trouvé Intothe Odd fort séduisant de par son format et son ambiance. C’est très court (48 pages au format A5), ça contient un petit scénario et une région à explorer. L’ambiance fait penser à un med-fan qui vient de faire ses premiers pas dans l’ère industrielle, une sorte de Warhammer qui sortirait de la renaissance. Les campagnes sont sauvages et enferment des secrets obscures ; les populations sont en exode vers les villes, qui sont sales et baignent dans les fumées industrielles ; la misère remplie les rue alors que les beaux salons reniflent l’opulence à plein nez. Mais voilà, il manque un petit quelque chose au jeu pour me donner envie de me lancer dedans. La mécanique est parfaite pour jouer sur le pouce. On peut créer un personnage en deux minutes chrono, sérieusement ! Mais le jeu ne propose pas grand-chose pour jouer sans préparation. Dans le fond c’est clairement un jeu pour MJ avec de la bouteille et à l’aise avec l’improvisation. Et je n’ai pas assez confiance en moi pour me lancer dedans sans un soutien mécanique plus solide, comme on peut trouver dans les actions d’Apocalypse World.

Puis j’ai entendu parler de Beyondthe Wall and Other Adventures. Le jeu était présenté comme du donjon old school à orientation sandbox, avec ce petit truc en plus qui a attiré mon attention : les personnages sont tous des amis d’enfance qui ont grandi dans le même village et les joueurs donnent vie à ce village en même temps qu’ils créent leurs personnages. Moi qui aime bien la création collaborative du décor de jeu, je me suis laissé tenter et j’ai acheté les PDF du jeu de base et de son extension, Further Afield (pourquoi faire les choses à moitié ?). Trois jours plus tard, j’avais fini de lire la base et j’avais commandé les livres en arbre mort malgré les frais de port exorbitants.
J’ai trouvé un Donjons & Dragons ce qu’il y a de plus classique. Les règles sont simples, efficaces, et clairement exposées sur peu de pages. On retrouve les 6 caracs de l’ancien, la CA, les jets de sauvegarde et les PV. Par contre, le jeu ne propose que 3 classes (guerrier, voleur et magicien) et aucune race non humaine. Autant dire que ça ne présage pas d’être très folichon. Avec seulement trois types de personnages, on aura vite fait de tour et on risque de rapidement s’emmerder. Heureusement, les auteurs (John Cocking et Peter S. Williams) donnent dans les options de jeu toutes les directives nécessaires à la création de nouvelles classes et de races non-humaines. Il suffit de travailler sur le multi-classage. Par exemple Ils présentent un elf comme un mélange entre le guerrier et le magicien. Le tout est très vite expliqué, en deux pages, mais ça reste clair bien que concis. Cela demande néanmoins un peu de travail en amont et un bon sens de l’équilibre entre les classes.
Mais John et Peter ont déjà fait tout le boulot ! Et c’est là qu’ils donnent à leur jeu tout son piquant ; toute sa saveur. En fin de bouquin sont regroupés des livrets de personnages, qui rappelleront vaguement quelque chose aux amateurs d’Apocalypse World. Ils permettent de créer des persos bien typés (l’apprenti de la sorcière, le garçon de la forêt, celui qui rêve de devenir chevalier…) et bien plus originaux que le simple guerrier qui sonne creux et qui attend patiemment dans l’auberge l’arrivée d’une mission grassement rémunérée. Non, là les persos sont tous des potes d’enfance. Ils ont grandi et vivent dans le même village. Village qui prendra forme en même temps que les personnages lors de la création. Tous les joueurs, MJ compris, ajouterons des éléments au village (qui, vous allez rire, commence toujours par l’auberge, bien au centre de la carte). En à peu près une heure, vous aurez fait des PJ bien intégrés dans un village qu’ils connaissent bien, dans lequel vivent des PNJ auxquels ils tiennent (ou pas) et, surtout, vous aurez déjà impliqué les PJ dans les troubles qui menacent la prospérité du village. Les personnages commencent immédiatement avec de quoi se lancer dans le premier scénario, qui est un ensemble de tables permettant de générer aléatoirement des évènements autour d’un thème précis (la colère des fées, un culte secret) en y impliquant les personnages.
En une séance de 4 heures, on peut avoir créé les personnages et plié un scénario. Parfait pour du one-shot. Si on en veut plus, il y a bien des accroches offertes à la fin de chaque scenario pack et le MJ devra se taper toute la préparation ou recycler ses vieux scénarii s’il veut mener ses joueurs au sommet de l’échelle d’expérience, le niveau 10. On retombe dans du jidéhère classique. Ce n’est clairement pas assez pour moi. J’ai besoin d’être étayé par une mécanique qui sache m’inspirer et me donner des éléments sur lesquels broder. J’aime quand un jeu me mâche le boulot.

Et c’est exactement ce que fait Further Afield. Dans cette extension, on trouve tout ce qu’il faut pour arracher les PJ à leur vie champêtre pépère et en faire des aventuriers prêts à battre les sentiers ardus pour assurer un futur meilleurs à leurs aimés… et se remplir les poches au passage. L’ouvrage nous donne tous les outils pour jouer de longues campagnes bac-à-sable. Voilà comment il propose de s’y prendre.
Tout d’abord, jouez comme le décrit le livre de base : Créer les personnages, le village et jouer la première aventure. Ensuite utiliser la deuxième session de jeu à créer votre bac-à-sable. Chaque joueur va placer un lieu sur une carte vaguement précise (il donne une direction cardinale et une distance entre proche, moyennement loin et loin). Il doit dire comment son personnage à entendu parler de cet endroit (une histoire qu’il a entendu, des recherches dans une bibliothèque) et faire un jet qui déterminera si ce qu’il pense savoir est vrai ou si la vérité a été légèrement déformée par les touches ajoutées ici ou là par les innombrables bardes et voyageurs ayant entendu et raconté cette histoire. Puis chacun vient rajouter son grain de sel sur les créations des autres. Au bout du compte, les personnages se retrouvent avec des légendes plein la tête et les joueurs avec plein d’endroits intéressants à aller explorer. Et ils auront certainement envie de les explorer pour voir ce qu’en a fait leur meujeu. Parce que le meujeu va maintenant rentrer chez lui et s’aider des directives du bouquin et des tables de générations aléatoires fournies pour mettre tout ça au propre sur une carte à hexagone, sans oublier d’y mettre ses gros doigts partout.
Mais c’est pas tout ! Qu’est-ce qui manque pour rendre une campagne vraiment intéressante et ne pas en faire qu’une suite de PMT aléatoire ? Un fil rouge. Ce que Further Afield ne manque pas de nous donner. Ce sont des Menaces. Il y en a quatre dans le livre. Chacune présente une trame de fond sur laquelle poser une campagne. Elles présentent des évènements qui ne manqueront pas d’arriver et viendront doucement chambouler l’environnement des personnages ; à moins qu’ils fassent quelque chose pour l’arrêter. Les Menaces sont prévues pour être jouées sur le long terme (quand le gros méchant est un dragon à 30 dés de vie, on y va mollo, même au niveau 10) et les auteurs conseillent de n’en utiliser que deux aux maximum, sans quoi les personnages risquent de rapidement se retrouver débordés.
Aussi—parce que bon… faut quand même que les personnages soit un petit peu au courent qu’il y a une menace avant de s’y intéressent—chaque Menace se termine par un petit tableau, qui sera utilisé lors de la création de personnages afin d’en faire les témoins d’un évènement présageant du mal à venir.

Beyond the Wall and Other Adventures et son extension, Further Afield, m’ont donné envie de me remettre à lancer des d20. La recette a l’air excellente et avec les bons joueurs, la mayonnaise doit monter sans problème. En y ajoutant une pincée des outils fournis dans Oltrée !, l’univers des personnages va se déployer sous les regards des joueurs et tous seront surpris, MJ y compris. Et pour ceux qui ont besoin d’elfs, de nains et autres petite-gens, il y a des livrets de personnages en téléchargement libre tout prêt pour ça. Eux aussi sont bien typés et ont tous de bonnes raisons d’être dans le village des personnages humains. Vous trouverez également, toujours sur le net, d’autres livrets de personnages villageois qui élargiront la palette de choix de vos joueurs. Il y a même de quoi ajouter une maison noble au village et les livrets qui l’accompagnent.

J’espère qu’un jour nous verrons ce jeu traduit en français. Nous sommes plusieurs dans ce cas-là. Certains commencent à se dire qu’on ferait aussi bien de se lancer dans ce chantier nous-même. Il y en a aussi qui ont des idées pour étoffer le jeu. Qui sait ? Un jour peut-être… 

samedi 29 novembre 2014

J'ai joué à Apocalypse World

Et j’adore ce jeu. Aurais-je trouvé mon Graal rôlistique ? Rien qu’à la lecture ça m’a fait plein de bruits bizarres dans la tête. Tous les nœuds que mes expériences passées de meneur de jeu avait tranquillement fait avec ma cervelle ont commencé à gentiment se dénouer les uns après les autres.
Bon c’est vrai que la lecture de l’ouvrage est particulière. On se trouve face à quelque chose d’assez déstabilisant ; certains iraient même jusqu’à dire que le livre est désordonné. Pourtant tout y est, et dans le même ordre que dans la plupart des jeux de rôle : une présentation du jeu et de ce qu’on y joue, les bases du systèmes, les différents types de personnages suivi de la création de personnage, la partie du MJ avec ses techniques de maîtrise et de préparation de parties, puis on finit par des exemples, et des règles optionnelles.

Alors pourquoi est-ce si déroutant ? Parce que Vincent Baker vous force à regarder le jeu de rôle sous un autre angle, à vous sortir des habitudes que vous avez bien installées en vous après tant d’années de jeu. Il n’a pas réinventé le fil à couper de beurre, bien sûr que non, mais il porte un éclairage particulier sur notre hobby et parvient à nous donner tous les outils dont nous aurons besoin pour jouer des histoires pleines de rebondissements, centrées sur les personnages des joueurs en les impliquant à fond dans ce monde post-apocalyptique mâtiné d’une étrangeté hallucino-psycho-zarboïde.

Les règles ne sont pas compliquées, loin de là. On ne peut pas dire que 2d6 + carac (qui varie entre -3 et +3) demande énormément d’effort. Par contre elles cadrent et sont cadrées par la fiction, beaucoup plus que tous ce que j’avais vu jusque-là. Quand un personnage fait quelque chose dans la fiction qui déclenche une règle (une action), le joueur lance les dés. Le résultat des dés dit ensuite ce qui doit se passer dans la fiction. Il n’y a pas de simple réussite ou échec sans conséquence. Un jet de dé est toujours déclenché par quelque chose qui se passe dans la fiction et aura toujours un résultat qui fera évoluer la fiction dans une nouvelle direction. Rien de neuf me direz-vous. Et bien si ! Ce n’est pas le meneur de jeu qui décide arbitrairement quand jeter les dés ou pas. C’est ce qui se passe dans la fiction, ce que décrivent les joueurs qui déclenche une action. Le meneur doit rester vigilant afin de repérer ces moments. Il doit pousser les joueurs à être aussi précis que possible dans leurs descriptions et dans l’intention de leurs personnages pour que l’action à résoudre deviennent évidente, et plus que tout il doit mettre les personnages dans des situations qui les force à agir.  Pour vous faire votre propre idée sur le schmilblick, allez jeter un coup d’œil aux livrets de personnages et d’actions sur le site de la Boîte à Heuhh.

Dans Apocalypse World on n’est pas meneur de jeu mais Maître de Cérémonie, ou MC. C’est un rôle que j’endosse avec beaucoup de plaisir et dans lequel je me sens vraiment étayé par le jeu. Parce que je peux me reposer sur sa mécanique, parce que je peux faire confiance au système pour qu’il délivre le genre de partie qu’il promet, le jeu m’a permis de prendre de l’assurance et d’avoir beaucoup plus confiance en moi.
En tant que MC, je ne lance pas de dé, ce n’est pas rien quand on a une scoumoune comme la mienne. Ensuite mes PNJ n’ont pas de statistiques et je peux ainsi me concentrer plus efficacement sur la fiction, les personnages. Pour finir j’ai un cadre simple et rassurant--des règles et des actions de MC-- qui m’aident à rendre la partie dynamique, et les actions des joueurs m’offre sur un plateau tout ce dont j’ai besoin pour décrire le résultat d’un test. Mais plus que tout, le concept de MC convient totalement à ma façon de mener un jeu de rôle. Il ne demande que peu voire aucune préparation, il est centré sur les personnages et surtout il se focalise sur les attentes des joueurs. Comme un DJ et sa batterie de vinyles sont parés à mettre le feu sur la piste de dance, le MC est entièrement équipé pour impliquer les joueurs et leur faire passer un bon moment.

Ce n’est pourtant pas un rôle si simple à assumer. Apocalypse World est un jeu bac à sable dans lequel l’univers va prendre forme sous les yeux de tous, MC comme joueurs, pendant la partie. Une des bases fondamentale du jeu est de poser des questions comme un malade. Quand tu estimes qu’un personnage connait forcément un aspect de l’univers, demande à son joueur des détails sur cet aspect. Ainsi le MC collecte les informations donnés par les joueurs, en fait un tout cohérent et les utilise pour rendre la vie des personnages intéressante.
Évidemment tu ne manqueras pas de te retrouver face à un joueur qui te regardera l’air dubitatif et qui finira par te dire : “en fait c’est un jeu pour MJ fainéant.” Ce genre de propos m’hérisse un tantinet le poil. Certes, j’ai beaucoup de mal à préparer des scénarii chiadés et à me taper (et me rappeler) des centaines de pages de background, mais de là à dire que le rôle de MC c’est parfait pour les fainéant !
Savoir écouter, entendre et répondre aux attentes des joueurs (et non à celles d’un scénario entièrement balisé) n’est pas non plus chose aisée. Et puis qui ne s’est pas senti frustré parce que son perso n’aurait normalement pas agit de telle ou telle manière dans une situation donnée, mais bon on ne va pas foutre en l’air le scénario du meujeu. Ne vous est-il jamais demandé ce que votre personnage venait foutre dans cette intrigue dont il n’a strictement rien à faire ? Le meujeu a dit que tu pouvais jouer ce que tu voulais ? Mais il n’a pas construit son scénar autour de ton personnage, ni autour de celui de tes camarades PJs. Ça vous parle ? Pas de ça à Apocalypse World. Si tu ne veux pas faire quelque chose, ne le fait pas. Le MC est outillé pour qu’a un moment ou à un autre ça (ou autre chose) te père à la gueule. Tu veux foutre ton boxon et tout dézinguer sans sourciller ? Fait toi plaizz. Un des principes du MC est de regarder ses PNJs à travers une lunette de visée. En gros, il ne faut pas qu’il s’y attache parce qu’ils peuvent mourir à tout moment. Ce ne sont pas les PNJs et ce que veut raconter le MC qui comptent, ce sont les PJs et ce qu’ils veulent faire (et parfois doivent faire) pour survivre. Ce qui est important c’est qui sont les personnages, quels rapports entretiennent-ils les uns avec les autres ? Quels sont leurs relations avec ces PNJs si fragiles ?
Là, les questions que l’on pose aux joueurs prennent toute leur importance. Parce que finalement tu ne fais que leur demander ce qui les intéresse, tu cherches à comprendre qui sont les personnages. Mais il y a un art pour poser les bonnes questions, un art que j’ai encore du mal à maîtriser. Il faut trouver le moyen de poser une question qui soit à la fois orientée et chargée. Elle doit être orientée dans le sens où tu y insère un élément de réponse que toi, en tant que MC, tu as envie de voir, de découvrir en jeu ; et elle doit être chargée d’une situation tendue, prête à exploser, qui peut donner l’étincelle qui embrasera la table pour toute une session de jeu. Personnellement, je trouve régulièrement la bonne question à poser bien trop tard, le lendemain de la partie hebdomadaire. Ça m’énerve. C’est comme créer les fameux triangles PJ-PNJ-PJ, qui selon moi sont le nerf de toutes campagnes d’Apocalypse World. J’ai beaucoup de mal à les mettre en place, à poser les bonnes questions au bon moment.

Puis il y a les fronts. L’outil de préparation de partie le plus malin que j’ai rencontré. Mais putain pourquoi je n’arrive pas à en faire un ? Je vois des gens dire qu’ils font leurs fronts en deux temps trois mouvements, une demi-heure et c’est plié. Il me faut au moins 3 heures sans compter tout le brainstorming qui vient avant. Tous ce que j’arrive à faire c’est identifier les menaces. Mais je n’arrive pas à y attacher de pénurie fondamentale. Je n’arrive pas à remplir les horloges et je suis foutrement incapable d’identifier les enjeux majeurs et les questions auxquelles je voudrais voir une réponse. Bref, il me manque un truc pour me faire bien piger comment créer un front, j’attends de me trouver face à ce petit déclencheur qui mettra tous en ordre et rendra la chose limpide.

À y regarder de plus près, je crois que mon souci vient de la première session. Je n’arrive pas encore à rendre assez percutante. J’ai l’impression que tout repose réellement sur les questions posées aux joueurs dans le but d’établir un environnement sous tension pour leurs personnages. Il faut dès le départ rendre la vie dure aux personnages, c’est comme ça qu’elle sera intéressante. Et putain ! Les triangles PJ-PNJ-PJ !

Néanmoins Apocalypse World a eu un réel impact sur ma pratique du jeu de rôle. Ce jeu m’a énormément appris et j’en suis très reconnaissant à Vincent Baker. Aucun jeu ne m’a été autant utile. Pourtant j’en ai lu des chapitres dédiés aux conseils de maîtrise. Mais là où, selon moi, Baker a fait preuve de génie, c’est qu’il ne donne aucun conseil de maîtrise. Il a créé des règles qui t’obligent à directement les mettre en pratique durant la partie.
Aujourd’hui, j’en suis à ma troisième campagne d’Apocalypse World et j’espère pouvoir en faire bien d’autres afin d’affiner ces techniques de MC qui, j’en suis certain, ne feront qu’amplifier le plaisir que j’ai à jouer au jidéhère.

Apocalypse World est un jeu de D. Vincent Baker. Il a été traduit en français par Grégory Pogorzelsky et est édité par La Boîte à Heuuh.

mercredi 18 juin 2014

C'est un jeu de questions.

"As a whole, game designers are only just starting to wake up to the fact that the single most effective mechanic is a question. That's going to change soon and over the next few years you're going to see a lot of hot new games built entirely around the questions players can ask and how they can be answered. When this happens, we're all going to appreciate just what it takes to craft a well-asked question."
(Epidiah Ravachol)

"Dans l’ensemble, les créateurs de jeux commencent juste à s’éveiller au fait que la mécanique la plus efficace est une question. Quelque chose est en train de changer et dans les prochaines années vous allez voir plein de nouveaux jeux sexy entièrement construits autour des questions que peuvent poser les joueurs et de la manière dont on peut y répondre. Quand cela arrivera, nous nous rendrons tous compte de ce qu’il faut pour bien construire une question."
(Epidiah Ravachol)

Moi, ça me plait ce que dit le monsieur et je ne demande qu’à les voir débarquer tous ces jeux qui nous ferons poser plein de questions. Mais attention ! Pas n’importe quoi comme question. Le monsieur le dit en fin de citation : bien construire sa question demande un minimum de réflexion. J’aborde un peu le sujet dans une aide de jeu pour Sous la Lumière des Étoiles et dans ce billet je vais parler de deux jeux qui incluent dans leur mécanique un échange de questions et de réponses : Apocalypse World et Swords Without Master.

Apocalypse World

Les règles d’Apocalypse World ont un positionnement simple et direct quand on en vient aux questions. Elles disent très clairement : “posez des questions comme un malade et rebondissez sur les réponses”. C’est à mon avis un des axes majeur du jeu et même une nécessité lors de la première session, qui posera les bases de la campagne.
Quand on commence une campagne à Apocalypse World, personne ne sait quoi que ce soit de l’univers de jeu, pas même le meneur de jeu. On sait juste qu’il y a eu un apocalypse il y a un peu plus de 50 ans et que depuis existe le Maelström Psychique, rien de plus. On ne sait rien ni de l’apocalypse ni du Maelström. Ainsi, le rôle du meneur va être de prendre en considération les types de personnages choisis par les joueurs et de se servir des informations données lors de leur création pour interroger les joueurs sur l’environnement de leurs personnages et lier les informations obtenu pour en faire un tout cohérent, avec l’aide des joueurs.
Là où le jeu est quand même bien fait c’est qu’il donne des outils aux joueurs et au meneur pour poser des questions pendant la création de personnage. Le plus évident d’entre eux est la mécanique de construction des Hx, les liens qui existent entre les personnages. Par exemple l’Arrangeur peut désigner l’un des autres personnages et lui dire que ce salop « l’a planté là et l’a laissé payer la note » ; le Céphale peut choisir un personnage et lui annoncer « tu as dormi en ma présence »   (et tu le sais /ne le sais pas. rayer la mention inutile). Cette mécanique ne fait que donner aux joueurs des questions directement prêtes à l’emploi : « qui t’a planter là et t’a laisser payer la note ? », « Qui a dormi en ta présence ? »
Vous vous doutez que de telles questions ne manqueront pas de créer une dynamique pêchue autour de la table. Mais il y a mieux. Allez-vous vous contenter d’une simple réponse du style « C’est Ketchup qui m’a planté et m’a laissé payer les pots cassé ! » Si c’est le cas, c’est que vous n’êtes pas très curieux. Ne me dites pas que ça ne vous intéresse pas de savoir où l’Arrangeur a été planté, que vous n’avez pas envie de savoir ce que sont ces pots cassés et qu’elle en a été le prix. Il est de votre responsabilité en tant que meneur (et même en tant que joueur, mais à moindre mesure) de chercher à savoir en quelles circonstances ces évènements ont eu lieu. Parce que c’est ce qui va donner de la texture à votre partie et construire le décor des aventures que vivrons les personnages. Chaque réponse amènera potentiellement une nouvelle question et les personnages gagneront en profondeur, leur environnement s’éclaircira et l’univers de campagne prendra de l’ampleur. Le meneur va se retrouver avec plein d’éléments qu’il pourra utiliser en jeu et renvoyer à la gueule des personnages pour que tous, meneur et joueurs, découvrent ce qui se cache derrière. Jouer pour voir ce qui arrive, tel est le moto d’Apocalypse World.
Je vois deux gros avantages dans cette façon de jouer. D’une part, tous les joueurs autour de la table, meneur y compris, en savent autant sur l’univers de jeu les uns que les autres et je vous garanti que permettre à tous de participer à la création du terrain de jeu est un boost majeur à l’implication. C’est aussi une source de plaisir inavoué pour le meneur de mettre le nez d’un joueur au dessus de la merde qu’il a créé pour son personnage, et le joueur prendra tout autant de plaisir à voir sa création se retourner contre lui.
D’autre part, c’est sur cette mécanique que repose le côté pick-up and play du jeu. Plus besoin de passer des heures à préparer ses parties à l’avance (ce qui est un atout quand la vrai vie nous bouffe tout notre temps). J’ai fait des sessions de jeu entières en me basant sur une question posée en début de soirée : « tu envois tes signaux lumineux et les signaux que tu as en retour ne sont pas ceux que tu espérais. Qu’est-ce qui t’inquiète tant dans ce qu’ils disent ? ». Ou mieux, cette question que j’ai volé à Jérôme “Brand” Larré : « Quelle est la dernière chose que tu voudrais faire ? » suivi de « Pourquoi es-tu en train de la faire ? »

Swords Without Master

Alors voilà un petit jeu de Sword and Sorcery qui mériterait d’être plus connu et que tout rôliste gagnerait à connaître. Comme c’est un jeu d’Epidiah Ravachol, le monsieur que je cite en début d’article, vous vous doutez bien qu’il y a intégré une mécanique de questions.
Comme dans tout jeu de rôle, une partie est découpée en plusieurs scènes plus ou moins longues. Dans Swords Without Master, il y a trois types différents de scènes, appelés phases.
La phase périlleuse, met les personnages dos au mur et menace grandement leur intégrité physique. C’est une phase d’action où la vie des personnages est en jeu. Ici, pas de place aux questions sauf à savoir comment ils vont venir à bout de l’ennemi, mais c’est comme ça dans tous les jeux de rôles.
La deuxième phase donne la part belle aux questions. C’est la phase de découverte, dans laquelle le joueur qui a la main* décrit quelque chose que son personnage découvre (ou qu’il connaissait déjà). Il pose ensuite une question au meneur au sujet de sa découverte. Cette interaction entre meneur et joueurs donne à tout le monde l’opportunité de mettre son grain de sel dans l’univers, de le rendre intéressant à ses yeux et d’y intégrer pleinement son personnage. Trop souvent j’ai vu des parties où les personnages se retrouvent à suivre une intrigue ou une mission dont il ne devrait strictement rien avoir à faire. Là, les joueurs peuvent dire au meneur « voilà ce que je veux voir en jeu ; voilà ce qui motive mon personnage ». Puis ils doivent lui poser une question. Une question ouverte qui plus est, c’est écrit dans les règles ; pas une question qui peut être répondu par oui ou par non. Redonner ainsi la main au meneur laisse au joueur une part d’incertitude sur ce qu’il a créé et permet au meneur de le surprendre. Cet échange entre découvertes, questions et réponses dure le temps qu’il faut au meneur d’être satisfait de ce qui a été apporté à la fiction, quand les contributions de chacun lui permettent de voir clairement la direction que doit prendre l’histoire.
La dernière phase s’appelle la phase de roublards. Dans Swords Without Master, tous les personnages sont des roublards à la Conan : des types exceptionnels, très compétents et qui n’ont de comptes à rendre à personne. Cette phase a pour but de lâcher la bride aux joueurs pour qu’ils puissent montrer à tout le monde à quel point leurs personnages sont cool et vraiment trop fort. Pour ce faire, le meneur fait une demande particulière à un joueur. Cette demande est toujours construite selon le même schéma : “Montre nous comment ton roublard …”. Là, le joueur peut à carte blanche pour répondre à la demande comme il l’entend. C’est le moment pour lui de faire briller son personnage. Il peut raconter ce qu’il veut et laisser libre cours à son imagination. Il reste cependant contraint par la cohérence de la fiction et son jet de dé (lisez le jeu pour savoir à quel point le hasard vient renforcer la fiction). Une fois qu’il a répondu à la demande, il en fait une à un autre joueur. Maintenant, si on regarde de plus près ces demandes, que sont-elles si non une façon spécifique de construire une question ? Qui plus est, une question qui oriente les personnages dans une direction qui nous intéresse. Epidiah Ravachol nous mâche le travail et nous montre exactement le genre de question qu’il faut poser pour servir le propos de la phase : faire briller les personnages en offrant à tous l’opportunité d’explorer le monde et de raconter une histoire qui nous plaît. 


Epidiah semble penser que ce genre de mécanique va devenir de plus en plus présent dans le jeu de rôle et j’espère qu’il ne se trompe pas. Personnellement, ce que j’attends d’un jeu de rôle, c’est qu’il nous donne tous les outils dont nous, joueurs (et meneur), auront besoin pour créer des histoires qui nous plaise, avec une mécanique qui sert le thème et l’ambiance promis par la quatrième de couverture et un minimum de préparation entre deux parties. Les questions, si elles sont bien utilisées, me semble être un excellent outil pour aller dans ce sens.
J’aurais pu parler des fronts d’Apocalypse World qui fourmillent de question ne demandant qu’à être répondu en jeu ; des en jeux de scène de Prime Time Adventure, qui demande si oui ou non quelque chose va se passer dans la scène ; des enjeux de conflits à Dogs in the Vinyard et la grande question sur laquelle repose tout ce jeu : « jusqu’où les personnages/joueurs seront-ils prêt à aller pour faire valoir leur décisions ? ». Mais on ne serait pas prêt de finir. 


Nota bene : si tout au long de l’article je fais une distinction entre meneur de jeu et joueurs, c’est par souci de clarté et simplicité. Je considère que le meneur est un joueur comme les autres autour de la table. Un joueur avec une responsabilité différente, soit, mais un joueur quand même.

*Un jeu de rôle est une discussion cadrée et centrée sur l’histoire que les joueurs racontent. Dans une discussion, si tout le monde parle en même temps, on ne s’entend plus et on ne comprend plus rien. Sword Without Master a une mécanique qui permet de partager la parole et ce qui est dit par celui qui a la main devient réalité dans la fiction.



mercredi 19 mars 2014

Qu'est-ce que ton personnage a fait à celui de Bob pour qu'il ait tant envie de lui arracher les yeux ?

Dans Sous la Lumière des Étoiles, la procédure de création de personnage est très simple : il suffit de répondre à 5 questions posées par les autres joueurs. Ça peut sembler peu de chose et il faut faire en sorte que chaque question soit importante pour le personnage et son implication dans l’histoire que vous allez jouer. En fin de compte vous avez là un outil fantastique pour poser les bases de vos aventures en les orientant dans une direction qui vous intéresse et pour tisser des liens entre vos personnages ; des liens sources de tension et de drames relationnels digne de toutes télés novelas à grand succès. Comment vous y prendre ? En utilisant une technique que les américains (encore eux) appelle backstory, une technique qui vous force à créer et explorer les antécédents de vos personnages.

« As-tu été incarcéré pour un crime que tu n’as pas commis ? »

Voilà l’exemple type d’une erreur à ne pas faire : la question fermée. Pourquoi ? Tout simplement parce que là où un joueur bien à l’aise avec son concept de personnage développera certainement sa réponse, un autre plus timide se contentera de répondre par oui ou par non. Dans ce cas là, le joueur timide va se retrouver avec un personnage qui sonnera creux, sans aucun relief et qui finalement ne lui appartiendra plus du tout parce qu’il aura été créé par les autres joueurs.


« Qu’as-tu fait pour être incarcéré dans cette prison stellaire ? »

Certainement la première question qui vous traversera l’esprit lors de la création d’un personnage à Sous la Lumière des Étoiles. C’est une question ouverte. Le joueur est libre de répondre comme il l’entend et de développer le concept de son personnage. Même le joueur timide doit se mobiliser pour son personnage et lui créer une histoire qui le rendra un peu plus consistant, solide. En répondant à une question ouverte le joueur peut imposer certains aspects de son personnage. Il peut offrir une vision un peu plus nette de son bonhomme à tous les joueurs autour de la table.
Autre atout non négligeable des questions ouvertes : leurs réponses engendrent d’autres questions. « Donc, tu t’es fait pincer en plein cambriolage de la Banque Générale Galactique. Qu’est-ce qui a merdé ? » Le joueur a l’occasion de développer encore un peu plus son personnage. Il peut même amener des éléments extérieurs qui nourriront ses motivations. Il pourrait, par exemple, avoir été doublé par un complice et être rongé par une envie de vengeance. Par contre, un joueur peu inspiré peut se retrouver tout con, sans savoir quoi répondre, et il aura probablement besoin d’un peu de matière pour l’aider à stimuler son imagination.


« Qui est le salop qui as fait en sorte que tu te fasse prendre à sa place ? »

Nous avons là une question orientée et c’est un peu le caviar du backstory, des antécédents. Le joueur interrogé se retrouve dos au mur, devant une situation qu’il ne contrôle plus complètement. Quelqu’un vient d’imposer quelque chose à l’histoire personnelle de son personnage, mais il le laisse maître d’y faire face comme il l’entend.
D’une part, l’imagination est stimulée de la même manière qu’elle le serait dans n’importe quel jeu quand le MJ met le personnage en danger et dit à son joueur « qu’est-ce que tu fais ». Il y a une situation dynamique qui cadre le joueur lui évitant ainsi d’être pris de vertige devant un vide qu'il doit combler avec l'aide d'un seul outil : son imagination.
D’autre part, le joueur qui pose la question peut avoir une idée derrière la tête. En imposant que le personnage de son camarade ait été doublé, il peut commencer à construire quelque chose autour de cette situation. S’il obtient comme réponse : « c’est cet enfoiré de Dudule La Crapule, il s’est fait pincé une semaine avant le casse pour avoir dealer un peu de dope et il a vendu l’information au flic contre la liberté. Un vrai connard d’opportuniste. » Il peut l’inclure dans sa prochaine question à un autre joueur.

« Pourquoi le nouveau venu, Dudule la Crapule, t’a-t-il inclus dans le plan d’évasion ? »

Vous voyez ce qu’il se passe là ? Tout de suite ça crée des relations entre les personnages, on se retrouve avec des triangles PJ-PNJ-PJ à la Apocalypse World. Et ça, c’est du pain béni pour mettre une ambiance électrique autour de la table. Faites ça trois ou quatre fois en impliquant des personnages différents et vous aurez tout le grain à moudre que vous voudrez pour vous lancer dans toutes sortes de conflits générateurs de drame relationnel façon HBO.
Dans Sous la Lumière des Étoiles, vous prenez à tour de rôle la responsabilité de cadrer une scène, de décider où l’action se passe et qui est là. Maintenant que vous avez eu les réponses à vos questions et que la partie a commencé, mettez voir Dudule, le personnage qu’il a doublé et celui qu’il a aidé à s’échappé ensemble et regardez comment ça va tourner. Pour pimenter le tout, cadrez ça au fin fond de la salle des machines, personne aux alentours et un réacteur de facture inconnu qui surchauffe dangereusement. S’il le faut, on peut même dire que Dudule, lui, a une idée de ce qu’il faut faire pour empêcher le réacteur de péter. C'est le moment de sortir le pop-corn. 
Quand vous vous apprêter à poser une question orientée, demandez vous :

« Comment rendre la situation dynamique ? Comment inspirer l’action ? Comment lier les personnages entre eux ? »

C’est pas si simple à faire à brûle pourpoint alors que la partie commence à peine et que l’imagination n’a pas eu le temps de s’échauffer, mais c’est le cœur de cette technique. Le jeu de rôle est une activité de groupe, alors utilisez le groupe. Rebondissez sur les questions, qu’elles soient ouvertes ou orientées, et sur les réponses des autres joueurs. Le résultat n’en sera que plus surprenant et stimulant pour tous.


Évidemment, l’utilisation des antécédents n’est pas quelque chose de propre à Sous la Lumière des Étoiles. Je vous encourage d’ailleurs à l’utiliser sur toutes vos parties, en début de campagne et surtout pour des one-shot ou des parties de convention. Vos joueurs seront d’autant plus investis dans leurs personnages, même s’ils ont été pré-créés par le meneur. Parce que oui, les antécédents peuvent être utilisés dans un jeu de rôle plus classique, avec  un meneur qui prend l’entière responsabilité de poser les questions. Par contre il devra faire attention à ne pas toutes les préparer à l’avance car il devra rebondir sur les réponses des joueurs pour tirer toute l’efficacité de cette technique. 

vendredi 21 février 2014

Les fugitifs de l'espaaaaace !

Or donc Sous la Lumière des Étoiles arrive bientôt dans la langue de Pierre Boulle. Il s'agit d'un jeu de rôle d'exploration spatiale dans lequel tous les joueurs ont un personnage et se partagent les responsabilités de meneur de jeu. C'est GM-full, comme disent nos amis américains. Je crois que certains définiraient ça comme étant un jeu à autorité partagée. 
Quoi qu'il en soit, la mécanique du jeu permet de créez des histoires sur le fait et sans préparation (story now pour encore une fois prendre un terme ricain). Et je peux vous assurer qu'elles ne manqueront pas de rebondissement et de drames relationnels, ces histoires. 

Une particularité non négligeable de Sous la Lumière des Étoiles est son format pour le moins surprenant. Pour la petite histoire Epidiah Ravachol, l'auteur du jeu, voulait avoir une carte professionnelle à remettre aux gens lors de conventions ou autres rencontres. Mais voilà, Monsieur Ravachol est une bille quand il s'agit de créer des cartes professionnelles sympas qui mettent en valeur ses qualités de créateur de jeux. Par contre il sait créer des jeux, évidemment. Il se met alors au défi d'en créer un qui rentrerait pile poil sur une carte professionnelle. Et voilà comment est né Vast & Starlit !

Moi, j'arrive derrière et comme je kiffe grave ce jeu qui rentre dans mon portefeuille entre ma carte de crédit et ma carte de fidélité de chez Carrefour, je me dis que j'aimerais vraiment trop faire un truc pareil. Mais c'est ballot parce que question game design j'en suis encore à hacker sans succès les règles de la bataille. Alors j'ai traduis le jeu et j'ai demandé à son auteur si je pouvais le "publier" (je mets des guillemets parce que ça relève plus de l'impression que de la publication, quand même). Il a dit oui.

Or donc Sous la Lumière des Étoiles se présente sous le format d'un petit livret de la taille d'une carte de crédit. Bon, quand je dis livret il ne faut pas s'imaginer trouver des pages à l'intérieur. représentez-vous plutôt une carte de visite grande comme deux cartes de crédits posées côte à côte, le long de la longueur. Pliez-la en deux et... tada ! Vous avez votre petit livret avec à l'extérieur une superbe illustration /couverture et à l'intérieur le texte complet d'un jeu de rôle. C'est tout bonnement génial ma p'tite dame. 

Le jeu complet, c'est quatre petites cartes comme celle-ci. La première, Sous la Lumière des Étoile, est la base du jeu et permet à elle seule de jouer de longues heures, voire même des campagnes complètes, sans souci. Les trois autres, Étreinte Glaciale, l'Atlas Stellaire et le Manuel Technique du Renégat sont des extensions qui ajoutent tout son sel au jeu pour en faire un vrai jeu à campagne où l'exploration de la galaxie amènera vos personnages à découvrir des civilisations extraterrestres surprenante, parfois vindicatives, parfois attirées par les héros de votre épopée stellaire ; où les drames interpersonnels (entre PJs ou avec des PNJs) prendront toute leur ampleur. Vous aurez tout en main (littéralement du coup) pour rendre passionnante, trépidante et surprenante la quête de vos fugitifs galactiques pour une terre promise.  

Actuellement, le jeu est en phase finale de maquettage. J'en suis très content et je le trouve beaucoup plus joli que la version originale. Il faut dire que j'ai la chance de connaître un super illustrateur, Yuk, qui a pris son pied à réaliser la petite commande que je lui est passé. Oui, chacune des carte aura son illustration originale dédiée et je vous assure que ça va claquer grave quand vous allez les sortir de votre portefeuille. Et en attendant de pouvoir faire vos malins en dégainant votre jeu de carte-de-visite-jeu, je vous encourage à aller faire un tour sur le blog de Yuk, YADB, pour vous rendre compte par vous même du talent du monsieur.

Sous la Lumière des Étoiles et ses extensions devraient être disponibles courent mars. J'expliquerais alors rapidement ce que vous pourrais trouvez dans chacune des cartes et comment vous les procurer. 

jeudi 20 février 2014

Keskecé ?

Mangue Sucée, ce n'est pas grand chose réellement. C'est un blog dédié au jeu de rôle dans lequel je viendrais très rarement dire des trucs parce qu’il y en a plein d’autres qui le font bien mieux que moi. Y’a qu’à cliquer sur les liens que j’ai mis à côté.

Alors pourquoi faire un blog ?

Parce que j’aime bien perdre mon temps à traduire des jeux de rôle. Quand ils me plaisent assez pour que ça me motive, notons le. Puis j'ai récemment traduit un tout petit jeu et j’ai obtenu l’accord du son auteur pour le diffuser.
Le jeu est absolument génial et vraiment tout riquiqui. Il loge sur un format carte de crédit ! Si si, je vous assure. L’auteur appelle ça un nano-jeu. Alors je n’allais pas m'amuser à aller frapper à la porte des éditeurs français pour le publier. Je pense pouvoir le financer tout seul, comme un grand.
Donc, J'avais besoin de rendre ce projet visible. Et pour ça, un blog me semblait être une solution rapide et facile à mettre en place.

Mais pourquoi Mangue Sucée ? 

Ça vous intrigue, hein ? Je vous vois, l’air dubitatif, vous demander si je n’aurais pas développé là une stratégie sournoise pour appâter vers notre hobby la multitude d’âmes perdues qui se seraient retrouvé sur ce blog après avoir tapé quelques mots clés salaces dans leur moteur de recherche préféré.
Et bien non ! J’ai fait ce choix parce qu’il y a bien longtemps, un amis très cher et rôliste de surcroît m’a envoyé balader en me disant, en créole réunionnais : « out tèt parèy in nwayo mang susé* ». Ça m’a beaucoup fait rire et j’en ris encore aujourd’hui.
Voilà pourquoi et tant pis si vous trouvez ça déplacé. Je suis aussi vraiment désolé si vous vous retrouvez sur ce blog alors que vous espériez trouver quelque chose de complètement différent. Essayez quand même le jeu de rôle, vous n’avez rien à perdre et vous pourriez y prendre goût.

Bon, et c’est quoi ce jeu alors ?

Venant en au fait, il s’agit du nano-jeu d’Epidiah Ravachol, l’auteur de Dread.
Sous la lumière des étoiles (Vast & Starlit en vo) est un jeu de space opéra dans lequel on joue les évadés d’une prison stellaire, en cavale à travers la galaxie.
Le jeu et ses trois extensions seront disponibles courent mars, si tout se passe comme prévu. J’en parlerais plus dans un prochain billet.

En tout cas bienvenue et merci d’être passé.



* ta tête ressemble à un noyau de mangue sucée.