mercredi 19 mars 2014

Qu'est-ce que ton personnage a fait à celui de Bob pour qu'il ait tant envie de lui arracher les yeux ?

Dans Sous la Lumière des Étoiles, la procédure de création de personnage est très simple : il suffit de répondre à 5 questions posées par les autres joueurs. Ça peut sembler peu de chose et il faut faire en sorte que chaque question soit importante pour le personnage et son implication dans l’histoire que vous allez jouer. En fin de compte vous avez là un outil fantastique pour poser les bases de vos aventures en les orientant dans une direction qui vous intéresse et pour tisser des liens entre vos personnages ; des liens sources de tension et de drames relationnels digne de toutes télés novelas à grand succès. Comment vous y prendre ? En utilisant une technique que les américains (encore eux) appelle backstory, une technique qui vous force à créer et explorer les antécédents de vos personnages.

« As-tu été incarcéré pour un crime que tu n’as pas commis ? »

Voilà l’exemple type d’une erreur à ne pas faire : la question fermée. Pourquoi ? Tout simplement parce que là où un joueur bien à l’aise avec son concept de personnage développera certainement sa réponse, un autre plus timide se contentera de répondre par oui ou par non. Dans ce cas là, le joueur timide va se retrouver avec un personnage qui sonnera creux, sans aucun relief et qui finalement ne lui appartiendra plus du tout parce qu’il aura été créé par les autres joueurs.


« Qu’as-tu fait pour être incarcéré dans cette prison stellaire ? »

Certainement la première question qui vous traversera l’esprit lors de la création d’un personnage à Sous la Lumière des Étoiles. C’est une question ouverte. Le joueur est libre de répondre comme il l’entend et de développer le concept de son personnage. Même le joueur timide doit se mobiliser pour son personnage et lui créer une histoire qui le rendra un peu plus consistant, solide. En répondant à une question ouverte le joueur peut imposer certains aspects de son personnage. Il peut offrir une vision un peu plus nette de son bonhomme à tous les joueurs autour de la table.
Autre atout non négligeable des questions ouvertes : leurs réponses engendrent d’autres questions. « Donc, tu t’es fait pincer en plein cambriolage de la Banque Générale Galactique. Qu’est-ce qui a merdé ? » Le joueur a l’occasion de développer encore un peu plus son personnage. Il peut même amener des éléments extérieurs qui nourriront ses motivations. Il pourrait, par exemple, avoir été doublé par un complice et être rongé par une envie de vengeance. Par contre, un joueur peu inspiré peut se retrouver tout con, sans savoir quoi répondre, et il aura probablement besoin d’un peu de matière pour l’aider à stimuler son imagination.


« Qui est le salop qui as fait en sorte que tu te fasse prendre à sa place ? »

Nous avons là une question orientée et c’est un peu le caviar du backstory, des antécédents. Le joueur interrogé se retrouve dos au mur, devant une situation qu’il ne contrôle plus complètement. Quelqu’un vient d’imposer quelque chose à l’histoire personnelle de son personnage, mais il le laisse maître d’y faire face comme il l’entend.
D’une part, l’imagination est stimulée de la même manière qu’elle le serait dans n’importe quel jeu quand le MJ met le personnage en danger et dit à son joueur « qu’est-ce que tu fais ». Il y a une situation dynamique qui cadre le joueur lui évitant ainsi d’être pris de vertige devant un vide qu'il doit combler avec l'aide d'un seul outil : son imagination.
D’autre part, le joueur qui pose la question peut avoir une idée derrière la tête. En imposant que le personnage de son camarade ait été doublé, il peut commencer à construire quelque chose autour de cette situation. S’il obtient comme réponse : « c’est cet enfoiré de Dudule La Crapule, il s’est fait pincé une semaine avant le casse pour avoir dealer un peu de dope et il a vendu l’information au flic contre la liberté. Un vrai connard d’opportuniste. » Il peut l’inclure dans sa prochaine question à un autre joueur.

« Pourquoi le nouveau venu, Dudule la Crapule, t’a-t-il inclus dans le plan d’évasion ? »

Vous voyez ce qu’il se passe là ? Tout de suite ça crée des relations entre les personnages, on se retrouve avec des triangles PJ-PNJ-PJ à la Apocalypse World. Et ça, c’est du pain béni pour mettre une ambiance électrique autour de la table. Faites ça trois ou quatre fois en impliquant des personnages différents et vous aurez tout le grain à moudre que vous voudrez pour vous lancer dans toutes sortes de conflits générateurs de drame relationnel façon HBO.
Dans Sous la Lumière des Étoiles, vous prenez à tour de rôle la responsabilité de cadrer une scène, de décider où l’action se passe et qui est là. Maintenant que vous avez eu les réponses à vos questions et que la partie a commencé, mettez voir Dudule, le personnage qu’il a doublé et celui qu’il a aidé à s’échappé ensemble et regardez comment ça va tourner. Pour pimenter le tout, cadrez ça au fin fond de la salle des machines, personne aux alentours et un réacteur de facture inconnu qui surchauffe dangereusement. S’il le faut, on peut même dire que Dudule, lui, a une idée de ce qu’il faut faire pour empêcher le réacteur de péter. C'est le moment de sortir le pop-corn. 
Quand vous vous apprêter à poser une question orientée, demandez vous :

« Comment rendre la situation dynamique ? Comment inspirer l’action ? Comment lier les personnages entre eux ? »

C’est pas si simple à faire à brûle pourpoint alors que la partie commence à peine et que l’imagination n’a pas eu le temps de s’échauffer, mais c’est le cœur de cette technique. Le jeu de rôle est une activité de groupe, alors utilisez le groupe. Rebondissez sur les questions, qu’elles soient ouvertes ou orientées, et sur les réponses des autres joueurs. Le résultat n’en sera que plus surprenant et stimulant pour tous.


Évidemment, l’utilisation des antécédents n’est pas quelque chose de propre à Sous la Lumière des Étoiles. Je vous encourage d’ailleurs à l’utiliser sur toutes vos parties, en début de campagne et surtout pour des one-shot ou des parties de convention. Vos joueurs seront d’autant plus investis dans leurs personnages, même s’ils ont été pré-créés par le meneur. Parce que oui, les antécédents peuvent être utilisés dans un jeu de rôle plus classique, avec  un meneur qui prend l’entière responsabilité de poser les questions. Par contre il devra faire attention à ne pas toutes les préparer à l’avance car il devra rebondir sur les réponses des joueurs pour tirer toute l’efficacité de cette technique.